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lundi 29 avril 2019

Le personnage: un pivot


Premier point : le fait que le personnage soit l’élément clef ou le pivot de toutes trames narratives (littérature, jeux, cinéma, publicité…) fait l’unanimité. 

Je pourrais paraphraser des spécialistes qui se sont intéressés à la question, mais je préfère les citer in extenso – il serait dommage de se priver de leurs mots et de leurs styles. De plus, je pense que les citations sont, d’une certaine manière, des gardes-fous, la garantie que la pensée reste ancrée dans une réflexion collective sur le monde qui nous entoure. Du coup, pour croiser au maximum les points de vue, les références viennent d’horizons extrêmement divers. 

Je n’ai pas comme objectif de synthétiser en quelques mots la question, juste de dégager quelques pistes de réflexion. Je préfère vous inviter à papillonner avec moi, chaque citation ouvrant un champ de lecture et donc de découvertes possibles !


Le professeur de didactique du français écrira :

« Les personnages ont un rôle essentiel dans l’organisation des histoires. Ils permettent les actions, les assument, les subissent, les relient entre elles et leur donnent sens. D’une certaine façon, toute histoire est histoire des personnages. »

L’analyse du récit - Y.REUTER1

Avec lui, on retiendra que le personnage se construit par ses actions. 


Définir un personnage passe donc par une analyse de ce qu’il fait. Or ses actions se font rarement dans un ordre aléatoire. La plupart du temps, le travail sur les images séquentielles est fondé sur des illustrations d’actions clefs. En définissant l’ordre des actions, on met ainsi en place, en parallèle, la structuration de la chronologie du récit : début, fin, retour en arrière…
Petite illustration mentale et visuelle : « la chenille qui fait des trous » d’Eric Carle se construit au sens propre et au sens figuré par ses actions ( à vrai dire essentiellement manger!).


Le docteur en sciences de l'éducation et en psychologie, professeur au Département de psychopédagogie et des sciences de l'éducation de l'Université de Laval, Canada ajoutera :
« Le personnage est le pivot du récit. L’action n’acquiert son sens que par rapport à un personnage. Comprendre les personnages demeure donc le moyen fondamental de comprendre l’histoire comme un tout. »

Les textes littéraires à l’école - J. GIASSON

Ici, nous garderons l’idée que le personnage donne de la cohérence au récit, du début à la fin, qu’il en est le fil rouge.

Cela semblera une porte ouverte sauf à ceux qui ont enseigné en TPS et PS. Poser la permanence du héros tout au long de l’histoire est une compétence clefs de l’entrée dans le monde des histoires. Savoir qui est papa ours, maman ours et le petit ourson dans « Les trois ours », Petit bleu et Petit jaune tout au long de l’histoire, que même si il y a plusieurs caméléons sur la couverture d’ « une histoire de caméléon », l’histoire est celle d’un seul personnage… que de défis à relever.

L’écrivain, pendant la rédaction de son roman, notera:
« Les personnages imaginaires m’affolent, me poursuivent, — où plutôt c’est moi qui suis dans leur peau. Quand j’écrivais l’empoisonnement de Mme Bovary j’avais si bien le goût de l’arsenic dans la bouche, j’étais si bien empoisonné moi-même que je me suis donné deux indigestions coup sur coup — deux indigestions réelles car j’ai vomi tout mon dîner. » 2
(à Hippolyte Taine, 20 novembre 1866) - FLAUBERT pendant la rédaction de Madame Bovary

Flaubert nous rappelle que un personnage, outre ses actes physiques, se détermine et se construit avec des sensations et des sentiments.
Le philosophe complétera :
"Le thème de tout roman, c’est le conflit d’un personnage romanesque avec des choses et des hommes qu’il découvre en perspective à mesure qu’il avance, qu’il connaît d’abord mal, et qu’il ne comprend jamais tout à fait."

ALAIN


Alain nous permet d’évoquer le fait qu’un personnage peut évoluer au fil du récit. Ce n’est pas toujours le cas dans la littérature pour enfant, ni d’ailleurs dans les publications pour adulte. Les personnages d’Astérix et d’Obélix n’ont guère évolué depuis leur première aventure.


On peut même considérer qu’il est judicieux, dans un premier temps - en PS de façon renforcée, de manière régulière en MS et en l’évaluant en début de GS avant d’aller plus loin - de construire la notion en utilisant un héros qui reste le même tout au long de l’histoire ou dans ses différentes aventures dans une série comme Calinours.


Mais d’autres récits reposent au contraire sur l’évolution du personnage principal. Le personnage peut évoluer sur le plan physique (comme dans le film de Disney « La princesse et la grenouille »), sur le plan émotionnel (tous les albums sur les colères qui se dégonflent au fur et à mesure de l’avancement du récit comme « Grosse colère » de M. d’Allancé en sont un bon exemple), sur le plan psychologique (soi et soi et les autres). Citons deux grands classiques, Le géant de Zéralda de Ungerer et Pinocchio de Collodi. Bien sûr, l’évolution peut porter sur plusieurs plans à la fois.

Il s’agit ensuite d’identifier la ou les raisons de cette évolution, les plus fréquentes étant, le passage du temps (Max et les maximonstres de Sendak ou Le vilain petit canard), la rencontre avec un autre personnage (Le déjeuner de la petite ogresse d’A ; Vauglade) ou l’expérience, le passage par des épreuves, un apprentissage ou un parcours initiatique (l’album à nager « le fabuleux voyage de Lola »ou « Léo »).
Si on veut utiliser le personnage de l’enquêteur pour faire avancer les élèves dans leur représentation de l’acte d’apprendre, c’est une piste à travailler en priorité en montrant qu’un personnage peut évoluer et en identifiant les raisons de son évolution.

Les cinéastes rajouteront :
« Ma méthode pour organiser l'intrigue d'une comédie était simple : cela consistait à plonger des personnages dans les ennuis et à les en faire sortir. .. Tout ce qu’il faut pour faire une comédie, c’est un parc, un policier et une jolie fille. »

Histoire de ma vie - Charlie CHAPLIN



«Meilleur est le méchant, meilleur est le film.»


Alfred HITCHCOCK
 
Les réalisateurs-scénaristes apportent l’idée qu’un personnage n’est pas un individu isolé mais qu’il appartient à un réseau qui fonctionne avec des règles plus ou moins pré-établies.



Le chanteur chantera « She » 

C’est une chanson d’Aznavour mais on la connaît plus ces dernières années dans la version d’Elvis Costello.

Avec elle, on se souvient, en musique et en 3’, qu’un personnage se construit dans le regard des autres et que chacun - personnage ou personne – peut avoir une multitude de facettes



 Il faut donc savoir faire sortir le personnage de ses actions en organisant la description de celui-ci, en distinguant ses actions de sa description physique. Avec ici aussi un tri des données recueillies entre ce qui relève du corps (permanent) et du costume (temporaire). La phase suivante consistera à dégager les traits de caractères du personnage, son rapport aux autres, sa capacité à gérer ses sentiments, l’image qu’il a de lui-même...

Et le Ministère de l’Education nationale conclura :

«Véritable sismographe du genre romanesque, le personnage constitue finalement une entrée de choix pour cerner tous les enjeux et toutes les mutations d’un genre.».

Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours Pistes de travail Eduscol

Les documents d’accompagnement rappellent que nous laissons de côté bon nombre de pistes de réflexion!
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1Yves REUTER est aussi l’auteur avec Pierre GLAUDES d’un ouvrage intitulé « Le personnage » qui présente une synthèse des études sémiotiques, psychologiques et sociologiques sur le personnage dans les romans. Il montre comment le personnage est fondamental pour comprendre l'organisation des récits et leur réception. Il est accessible en partie sur le site de la BNF, Gallica.


2Citation alternative au célèbre : « Madame Bovary, c’est moi ! »

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