Premier
point : le fait que le personnage soit l’élément clef ou le
pivot de toutes trames narratives (littérature, jeux, cinéma,
publicité…) fait l’unanimité.
Je pourrais paraphraser des
spécialistes qui se sont intéressés à la question, mais je
préfère les citer in extenso – il serait dommage de se priver de
leurs mots et de leurs styles. De plus, je pense que les citations
sont, d’une certaine manière, des gardes-fous, la garantie que la
pensée reste ancrée dans une réflexion collective sur le monde qui
nous entoure. Du coup, pour croiser au maximum les points de vue, les
références viennent d’horizons extrêmement divers.
Je n’ai pas
comme objectif de synthétiser en quelques mots la question, juste de
dégager quelques pistes de réflexion. Je préfère vous inviter à
papillonner avec moi, chaque citation ouvrant un champ de lecture et
donc de découvertes possibles !
« Les personnages ont un rôle essentiel dans l’organisation des histoires. Ils permettent les actions, les assument, les subissent, les relient entre elles et leur donnent sens. D’une certaine façon, toute histoire est histoire des personnages. »
L’analyse
du récit - Y.REUTER1
Avec
lui, on retiendra que le personnage se construit par ses actions.
Définir un personnage passe donc par une analyse de ce qu’il fait.
Or
ses actions se font rarement dans un ordre aléatoire. La plupart du
temps, le travail sur les images séquentielles est
fondé
sur des illustrations d’actions clefs. En définissant l’ordre
des actions, on met ainsi
en place, en
parallèle,
la structuration de la chronologie du récit : début, fin,
retour en arrière…
Petite
illustration mentale et visuelle : « la chenille qui fait
des trous » d’Eric Carle se construit au sens propre et au
sens figuré par ses actions ( à vrai dire essentiellement manger!).
Le
docteur
en sciences de l'éducation et en psychologie, professeur
au Département de psychopédagogie et des sciences de l'éducation
de l'Université de Laval, Canada ajoutera :
« Le personnage est le pivot du récit. L’action n’acquiert son sens que par rapport à un personnage. Comprendre les personnages demeure donc le moyen fondamental de comprendre l’histoire comme un tout. »
Les
textes littéraires à l’école - J. GIASSON
Ici,
nous garderons
l’idée
que le personnage donne de la cohérence au récit, du début à la
fin, qu’il en est le fil rouge.
Cela
semblera une porte ouverte sauf à ceux qui ont enseigné en TPS et
PS. Poser la permanence du héros tout au long de l’histoire est
une compétence clefs de l’entrée dans le monde des histoires.
Savoir qui est papa ours, maman ours et le petit ourson dans « Les
trois ours », Petit bleu et Petit jaune tout au long de
l’histoire, que même si il y a plusieurs caméléons sur la
couverture d’ « une histoire de caméléon »,
l’histoire est celle d’un seul personnage… que de défis à
relever.
L’écrivain,
pendant la rédaction de son roman, notera:
« Les personnages imaginaires m’affolent, me poursuivent, — où plutôt c’est moi qui suis dans leur peau. Quand j’écrivais l’empoisonnement de Mme Bovary j’avais si bien le goût de l’arsenic dans la bouche, j’étais si bien empoisonné moi-même que je me suis donné deux indigestions coup sur coup — deux indigestions réelles car j’ai vomi tout mon dîner. » 2
(à
Hippolyte Taine, 20 novembre 1866) - FLAUBERT pendant la rédaction de Madame Bovary
Flaubert
nous rappelle que un personnage, outre ses actes physiques, se
détermine et se construit avec des sensations et des sentiments.
Le
philosophe complétera :
"Le thème de tout roman, c’est le conflit d’un personnage romanesque avec des choses et des hommes qu’il découvre en perspective à mesure qu’il avance, qu’il connaît d’abord mal, et qu’il ne comprend jamais tout à fait."
ALAIN
Alain
nous permet d’évoquer le fait qu’un personnage peut évoluer au
fil du récit. Ce n’est pas toujours le cas dans la littérature
pour enfant, ni d’ailleurs dans les publications pour adulte. Les
personnages d’Astérix et d’Obélix n’ont guère évolué
depuis leur première aventure.
On
peut même considérer qu’il est judicieux, dans un premier temps -
en PS de façon renforcée, de manière régulière en MS et en
l’évaluant en début de GS avant d’aller plus loin - de
construire la notion en utilisant un héros qui reste le même tout
au long de l’histoire ou dans ses différentes aventures dans une
série comme Calinours.
Mais
d’autres récits reposent au contraire sur l’évolution du
personnage principal. Le personnage peut évoluer sur le plan
physique (comme dans le film de Disney « La princesse et la
grenouille »), sur le plan émotionnel (tous les albums sur les
colères qui se dégonflent au fur et à mesure de l’avancement du
récit comme « Grosse colère » de M. d’Allancé en
sont un bon exemple), sur le plan psychologique (soi et soi et les
autres). Citons deux grands classiques, Le géant de Zéralda de
Ungerer et Pinocchio de Collodi. Bien sûr, l’évolution peut
porter sur plusieurs plans à la fois.
Il
s’agit ensuite d’identifier la ou les raisons de cette évolution,
les plus fréquentes étant, le passage du temps (Max et les
maximonstres de Sendak ou Le vilain petit canard), la rencontre avec
un autre personnage (Le déjeuner de la petite ogresse d’A ;
Vauglade) ou l’expérience, le passage par des épreuves, un
apprentissage ou un parcours initiatique (l’album à nager « le
fabuleux voyage de Lola »ou « Léo »).
Si
on veut utiliser le personnage de l’enquêteur pour faire avancer
les élèves dans leur représentation de l’acte d’apprendre,
c’est une piste à travailler en priorité en montrant qu’un
personnage peut évoluer et en identifiant les raisons de son
évolution.
Les
cinéastes rajouteront :
« Ma méthode pour organiser l'intrigue d'une comédie était simple : cela consistait à plonger des personnages dans les ennuis et à les en faire sortir. .. Tout ce qu’il faut pour faire une comédie, c’est un parc, un policier et une jolie fille. »
Histoire de ma vie - Charlie CHAPLIN
«Meilleur est le méchant, meilleur est le film.»
Alfred HITCHCOCK
Les réalisateurs-scénaristes apportent l’idée qu’un personnage n’est pas un individu isolé mais qu’il appartient à un réseau qui fonctionne avec des règles plus ou moins pré-établies.
Le chanteur chantera « She »
C’est une chanson d’Aznavour mais on la connaît plus ces dernières années dans la version d’Elvis Costello.
Avec
elle, on se souvient, en musique et en 3’, qu’un personnage se
construit dans le regard des autres et que chacun - personnage ou
personne – peut avoir une multitude de facettes.
Il faut donc
savoir faire sortir le personnage de ses actions en organisant la
description de celui-ci, en distinguant ses actions de sa description
physique. Avec ici aussi un tri des données recueillies entre ce qui
relève du corps (permanent) et du costume (temporaire). La phase
suivante consistera à dégager les traits de caractères du
personnage, son rapport aux autres, sa capacité à gérer ses
sentiments, l’image qu’il a de lui-même...
Et
le Ministère de l’Education nationale conclura :
«Véritable sismographe du genre romanesque, le personnage constitue finalement une entrée de choix pour cerner tous les enjeux et toutes les mutations d’un genre.».
Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours Pistes de travail Eduscol |
Les
documents d’accompagnement rappellent que nous laissons de côté
bon nombre de pistes de réflexion!
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1Yves
REUTER est aussi l’auteur avec Pierre GLAUDES d’un ouvrage
intitulé
« Le personnage » qui présente
une synthèse des études sémiotiques, psychologiques et
sociologiques sur le personnage dans les romans. Il montre comment
le personnage est fondamental pour comprendre l'organisation des
récits et leur réception.
Il est accessible en partie sur le site de la BNF, Gallica.
2Citation
alternative au célèbre : « Madame Bovary, c’est
moi ! »
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