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lundi 22 juillet 2019

Un personnage archétypal, ça sert à quoi?



A quoi servent les personnages archétypaux dans l'univers quotidien des élèves de maternelle?
Quelles valeurs véhiculent donc nos personnages?

L'une des premières fonctions des personnages-types1 de la littérature jeunesse est d'aider les jeunes élèves à identifier plus facilement les protagonistes, à constituer un univers de référence et un horizon d'attente. Ils ont souvent tous les attributs du genre au point d'être souvent des stéréotypes. Les plus classiques sont la fée, la princesse, le prince charmant du côté des gentils, la sorcière, l'ogre, le géant du côtés des méchants avec des comportements, des actions et des réactions attendues.

Dans les faits, les choses vont beaucoup plus loin. 

Max Butlen 2écrit: "La fonction de ses personnages renvoie aux grandes catégorisations humaines et littéraires, éthiques et esthétiques: le beau, le bien, le vrai, le juste et ce faisant aux oppositions bons / méchants; familiers aimants / inconnus menaçants; protecteurs / prédateurs ; amis / traîtres. Lorsque ce sont des animaux qui sont mis en scène, les bêtes sont associées à des types de comportement ou de caractère: le renard est génériquement rusé, fourbe; le loup, méchant et bête; le lion, puissant et vaniteux; le singe, espiègle et rusé…"

Les personnages archétypaux provoquent soit adhésion, soit rejet (qui a envie de devenir un ogre ou une sorcière?) et contribuent à structurer les jugements, les valeurs éthiques et esthétiques de l'élève. Ils ont donc à la fois une fonction cognitive dans la construction de valeurs sociales et une fonction d'aide à la compréhension et d'accès à l'implicite. Construire un univers de référence ou un horizon d'attente, c'est construire une société-type aux modes de fonctionnement connus. Ce sont de véritables schèmes de pensée, peut être même les premiers, qui participent à la construction de son rapport aux autres et dans celle de l'image de soi. Ils appartiennent pleinement au développement de la culture de l'élève, y compris de la culture de masse, tout aussi fondamentale et nécessaire pour évoluer sereinement dans notre société.



Il ne s'agit donc pas de se passer des archétypes et des stéréotypes, "matières premières de l'école"3, et au contraire de les construire, de les voir comme une étape nécessaire, comme une image facilement identifiable par un groupe social, efficaces didactiquement. Mais il faut toujours s'astreindre à s'interroger sur les valeurs portées, les mesurer en tant que professionnel, au regard de la loi. Ruth Amossy et Anne Herschberg-Pierrot4, spécialistes des stéréotypes et des clichés ont écrit: "En d'autres termes, il ne faut pas considérer les stéréotypes comme corrects ou incorrects mais comme utiles ou nocifs". 

En bref, doit-on se passer des archétypes et des stéréotypes en éducation quand ils ne sont pas porteur d'inégalités? La réponse est clairement non. Doit-on les construire pour partager certaines valeurs simples en mettant celles-ci en images pour qu'elles prennent corps? Oui, et c'est la nature même de ce projet, introduire un nouveau personnage archétypal dans l'univers des enfants, en usant si nécessaire de stéréotypes, pour cibler un besoin bien précis et construire les représentations mentales qui vont avec.


1On rencontre aussi la formule "figures idéales-typiques". L'avantage des deux dénominations est d'ôter le jugement de valeur négatif associé à la notion de stéréotype.

2Spécialiste de la littérature jeunesse, auteur, entre autres, de l'article "Que faire des stéréotypes que la littérature adresse à la jeunesse?" in Le Français aujourd'hui n°149

3En référence à Jean Louis DUFAYS, Professeur de théorie littéraire et didactique du français à l'université catholique de Louvain, auteur de très nombreux textes sur les stéréotypes depuis 1994 et son ouvrage "Stéréotype et lecture"

4Ruth Amossy / anne HERSCHBRG-PIERROT Stéréotypes et clichés, langue, discours, société – Paris Nathan 1997

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