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mercredi 6 février 2019

Compréhensions en grande section


Il n’y a pas que l’élève qui doit être en mesure de se décentrer et d’adopter le point de vue d’autrui. L’enseignant aussi et il se voit alors dans l’obligation d’abandonner en partie une vision monolithique et unique de la compréhension. 

Evaluer finement la compréhension de textes « simples » montre combien certains élèves sont déjà loin des attendus de l’école. Choisir les textes proposés doit se faire au cas par cas, en fonction d’objectifs clairs et précis et en fonction de la classe.

Certains albums permettront de travailler une compréhension fine globale, d’autres, des points de détails. Alors ne nous privons ni des albums cartonnés comme les livres à toucher, ni de textes ardus par peur de l’incompréhension.

Depuis plusieurs années, ma classe participe au prix des jeunes lecteurs organisé par la Bibliothèque départementale de prêt. La tranche d’âge (5/7 ans) se compose d’albums extrêmement variés par leur nature et leur difficulté. Dans bien des cas, ce sont des livres que je n’aurais pas lu à mes élèves mais cela m’a permis d’observer leurs réactions à des textes à priori pas adaptés – en tout cas dans l’esprit scolaire. Ce n’est ni la longueur du texte, ni la qualité des illustrations, ni la difficulté des mots qui font qu’ils adhèrent ou pas à une histoire. C’est souvent une question d’alchimie, d’équilibre précaire entre toutes les composantes de l’album. Dans le cas des élèves de GS, élèves encore non lecteurs, la part de l’oralisation par l’enseignant, de la mise en mots et en scène de l’histoire apparaît comme un facteur déterminant. S’intéresser à ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas, leur demander de le formuler, met en relief les différentes façons qu’ils ont d’appréhender le monde, la diversité de leurs goûts et de leurs avis, parfois très tranchés.

Deux parallèles me viennent à l’esprit. Le premier est celui de la piscine. Mes élèves ne savent pas nager mais quand on va à la piscine, où ils sont bien sûr équipés de flotteurs de natures variées, - je ne suis pas là pour les noyer ! - ils évoluent dans tout le bassin, y compris là où ils n’ont pas pied. Il ne me viendrait pas à l’idée de les cantonner à jouer uniquement là où ils ont pied. Là encore, tout est histoire de pédagogie, de mise en confiance, de construction progressive dans les apprentissages. Il est aussi question de prise de risque, de savoir être et de savoir faire… Et quelle fierté quand on a su faire le parcours Titeplage1 sans rien, ni brassard, ni frite, ni ceinture… juste la maîtresse pour assurer notre sécurité physique et affective, nous encourager et nous aider si c’était trop difficile.

Le deuxième parallèle est celui des contes. Je n’entrerai pas dans une analyse longue et fine, je me contente juste d’une remarque : n’est-il pas évident que la compréhension du petit chaperon rouge par un enfant de 4 ans diffère de celle que Bruno Bettelheim expose dans « La psychanalyse des contes de fées » ?

Bien sûr, on ne peut se dédouaner du travail explicite de la compréhension mais acceptons qu’il existe des niveaux de lecture et d’interprétation. Partageons, accompagnons et souvenons nous toujours que nous continuerons à nous construire en tant que lecteur tout au long de notre existence.

Alors juste pour le plaisir de partager… une autre petite pierre tirée encore une fois du livre d’Elzbieta, "L'Enfance de l'art" (Le Rouergue, 1997) pour construire notre réflexion autour de ce projet.
« Elle [la magie] est le fait du héros de l’histoire, autrement dit de l’enfant lui-même. Elle lui apprend que c’est de lui que viendra, le moment venu, la solution de ses difficultés. Donner d’avance la nature de cette solution impliquerait de construire une histoire au premier degré. Or personne n’est en mesure de prédire à un enfant ce qui l’attend. En revanche on peut essayer de lui insuffler espoir et confiance et on peut lui faire pressentir l’existence de ses ressources intérieures. (...) “Ce train va bien à Brighton, n’est-ce pas ?m’enquis-je un jour, quelques minutes avant le départ, auprès d’un autre voyageur. Au lieu de m’affirmer simplement que oui, il me répondit : “Well, I hope so !Et cet “Espérons-le !permettait de m’apprendre, sans me le dire, qu’il y allait lui-même, qu’il serait tout aussi embêté que moi de s’être trompé et qu’au pire nous serions au moins deux, ce qui est déjà rassurant ! 


1Situation d’apprentissage proposée dans l’album à nager « Le fabuleux voyage de Lola » aux éditions EPS

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