« Ainsi, au XXe siècle, le personnage romanesque peut offrir une « psychologie des profondeurs » (Raimond) qui le rapproche davantage de la vie en offrant une représentation tourmentée, complexe et opaque de l’être. Les personnages proustien, gidien ou célinien rendent magnifiquement compte de cette complexité. Formellement, le monologue intérieur (ou le flux de conscience) qui supplante les formes du discours indirect et relègue au second plan le narrateur omniscient traduit la même plongée dans les méandres de la conscience. »
-" Tu es vraiment sûre que les programmes de Première peuvent nous aider à y voir plus clair? Franchement, Proust, Gide et Céline en maternelle?!?"
En
mettant en image, la littérature permet d’accéder aux pensées
cachées des personnages et donc de prendre conscience qu’il se
passe quelque chose dans la tête, y compris la sienne
(connaissance, intention, désir, sentiments, croyances…). Tout
le travail sur le récit de rêve peut s’avérer être une bonne
entrée dans la prise de conscience de la pensée, en tout cas
peut servir de support langagier à celle-ci. De plus, cela permet
d’évoquer avec les élèves de grands classiques de la
littérature jeunesse, « Max et les maximonstres » ou
le monde d’Anthony Browne pour ne citer qu’eux.
Evaluer
où en est l’élève dans sa découverte de la pensée est
difficile car celui-ci n’est pas en mesure de le verbaliser
comme le rappelle très bien Janet Wilde Astington dans
« Comment les enfants découvrent la pensée. La «
théorie de l’esprit » chez l’enfant ».1
. L’un des autres points essentiels de ce livre, est que la
compréhension qu’autrui possède des états mentaux
différents des siens est une étape à part entière.
Sans
être cantonné dans le seul domaine de la littérature, sans cette
conscience de la conscience on ne peut envisager aucun des réseaux
sémantiques sur les valeurs, différence, solidarité, courage,
amitié, amour, dispute, les plaisirs et les interdits, jalousie,
quête d’identité, refus ou colère, partage, entraide….
Soyons
vigilant cependant au niveau de maturité de chacun de nos
élèves et n’oublions jamais l’impact psychique différent
pour chacun. Toute personne lisant régulièrement pour des
enfants a été surpris, au moins une fois, par une réaction
émotionnelle intense difficile à gérer. Cette semaine, j’ai
eu droit à un « j’ai peur des cerveaux » qui
aurait très bien pu dégénérer en panique et qui s’est en
tout cas avéré un obstacle à la compréhension. J’ai
envisagé des explications : costumes et décorations
d’Halloween, personnages méchants de dessin animé au cerveau
visible…mais je me suis surtout souvenue que chaque
information, chacune de nos phrases, chacun des apports
littéraires jouent dans la construction identitaire de l’enfant.
Que l’entrée soit métaphorique ou non, il se réorganise
avec d’autres images, d’autres mots. Il « digère »
des valeurs, des façons d’être par analogie, il s’aide des
héros des histoires pour arriver à penser et à surmonter ce
qui était pensé comme trop difficile ou trop dur
émotionnellement.
1Retz
– Coll. « Psychologie » - 1999
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