Question compliquée... Juste quelques lignes pour ouvrir un vaste champ de réflexion.
« Jouve1 distingue à cet égard trois lectures du personnage par le lecteur : « l’effet-personnel » (le personnage est conçu comme un simple instrument textuel au service de l’intrigue), « l’effet-personne » (le personnage provoque une forte illusion référentielle et semble vivant) et « l’effet-prétexte » (le personnage est le lieu privilégié d’un transfert du lecteur, lieu d’un investissement inconscient). »
« L’indépendance du personnage imaginaire est liée aussi à la protestation contre un héros construit a priori et dépourvu de spontanéité. Cette tendance confirme enfin l’importance du personnage : il continue à vivre dans l’esprit du lecteur après la lecture. »
Le
rapport lecteur/personnage n’est pas forcément une démarche
d’identification, en tout cas, il apparaît comme fondamental
que l’enseignant ne considère pas ça comme une évidence. On
retrouve les trois « effets » de la même manière
dans les livres à destination des plus jeunes. Il s’agit là
encore de réfléchir en terme de programmation d’apprentissage
et être conscient que le seul bain de lecture ne permettra pas
à tous les élèves de prendre la mesure de l’effet
personnage.
Pour qu’il y est connivence entre le personnage
et le lecteur, il faudra que l’enseignant mette en lumière
les situations de partage portées par les livres et on peut
partager beaucoup de choses… l’humour, les émotions, la
curiosité, le jeu, l’étonnement . La fonction de
l’oralisation et de la théâtralisation permettra à
l’enseignant de se faire porteur de sens.
On
pourra accéder à l’effet-personnel à travers les livres
jeux (coucou, cache-cache, cherche et trouve) et les adaptations
en album des comptines comme « J’aime la galette »
de Martine Bourre.
Des albums comme « Loup »
d’Olivier Douzou ou « Va t-en grand monstre vert ! »
d’Ed Emberley et de manière plus général tous les albums
qui jouent avec le lecteur, peuvent servir de marche vers
l’effet-personne. Celui-ci est assez facile à traiter – et
à évaluer- avec les livres qui font peur - un peu, pas trop et
pas longtemps - avec par exemple, « Je m’habille et je
te croque » de B. Guettier qui peut facilement se
travailler en réseau avec les deux derniers livres évoqués.Des réseaux sur le loup ou sur le petit chaperon rouge pourront
permettre d’aller encore un peu plus loin.
C'est à ce prix là que l'on peut aller vers l'effet-prétexte. On peut alors espérer que l’accès aux grandes questions traitées dans la littérature jeunesse , la vie, la mort, grandir, la solitude, l’amour, l’amitié, soi, soi et les autres… aura été rendu possible par cette réflexion accompagnée.
Mais
tout cela ne pourra se faire que si l’élève est en mesure
d’identifier et de comprendre les émotions, les siennes et celles
des autres. Là encore, travailler à la mise en mots des sentiments,
mettre en place les situations pédagogiques le permettant nécessite
une réflexion de fond dont on ne peut se dédouaner. C’est à ce
prix là aussi que l’enfant comprendra qu’il peut adhérer ou
rejeter un personnage en tant que porteur de valeurs.
C’est
à ce prix là que le personnage pourra continuer à vivre en
dehors du récit dans l’esprit du lecteur - qu’il s’agisse
d’adopter Jiminy Cricket pour réfléchir à la portée de ses
actes ou de se transformer en enquêteur pour entrer dans la
lecture – et que celui-ci pourra laisser une trace extrêmement
profonde.
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