Pour
débuter, on peut se rendre compte qu’il se passe quelque chose
dans sa tête en utilisant le thème du rêve à travers un réseau
littéraire.
Le point de départ de ce travail est l’album
d’Anthony Browne, Marcel le rêveur. L’objectif principal
proposé ici n’est pas de travailler sur les ambiguïtés du récit,
ou sur une structure narrative particulière aux récits de rêve, le
récit dans le récit.1
Ici,
pas de doute, c’est écrit, Marcel rêve. Après une (ou deux)
lecture(s) découverte de l’album, avant d’aborder le moindre
travail d’analyse, on doit passer par une phase obligatoire :
laisser les élèves s’exprimer sur leur propre vécu, leur propre
ressenti, leurs propres rêves. Deux intérêts se dégagent alors.
D’une part, on pourra gentiment leur rappeler qu’ils nous l’ont
déjà raconté si l’élève n’arrive pas à se décentrer dans
la suite du parcours. D’autre part, on aura des exemples propres au
vécu des élèves de la classe pour faire le parallèle avec les
apprentissages formels qui suivront.
A
la découverte d’un camarade de classe un peu particulier :
Marcel
Marcel
est un personnage récurrent extrêmement intéressant à utiliser en
GS. Il permet de poser la pérennité d’un personnage, de définir
les constantes qui permettent de l’identifier. Dans l’univers
d’Anthony Browne, il y a Marcel mais il y a aussi moult autres
singes qui ne sont pas Marcel. Comment reconnaître Marcel parmi les
autres personnages de l’univers de cet auteur ? En réalisant des
tris en utilisant des photocopies des illustrations. Les albums ne
doivent pas avoir été lus au préalable. Pour commencer, faisons
simple avec des indices clairement identifiables, en particulier la
tenue de Marcel. Dans un deuxième temps, complexifions les choses
avec des images tirées de Marcel le magicien,
Les tableaux de Marcel
ou Les histoires de Marcel
par exemple. Les élèves seront alors dans l’obligation d’aller
plus loin dans l’analyse des indices dans leur lecture d’images.
On
peut dès lors commencer à introduire la notion d’indice et
essayer de la définir simplement comme un signe qui indique quelque
chose.
Pour
renforcer le tout, on peut proposer deux ateliers marque-pages1 :
l’un, à partir des images qui ont servi au tri ; l’autre,
avec les bananes cachées dans les illustrations de Marcel le
rêveur. Il s’agit là d’un véritable travail de détective
car il y en a plusieurs centaines disséminées au fil des pages.
Mais
que se passe-t-il dans la tête quand on rêve ?
Premier
élément clef : notons d’abord qu’il se passe quelque chose
– sinon il n’y aurait pas d’histoire – même si à aucun
moment Marcel ne quitte son fauteuil. Tout se déroule dans
l’imaginaire, dans la tête du personnage. Pour élargir les
représentations des élèves sur l’existence de l’activité
mentale, on peut consolider notre argumentation avec les
illustrations de Je mangerais bien une souris! de Claude Boujon où l’on voit clairement le chat qui ne bouge pas sur
les différentes illustrations et
sa pensée sous forme de
bulle. C’est le moment
d’introduire le symbole de la bulle qui nous servira régulièrement
comme « panier d’indices » dans les résolutions
d’énigmes.
Deuxième
élément clef à dégager : le rêve – et de manière
générale tout ce qui se passe dans la tête - se nourrit de
culture, d’expériences, de rencontres. Tout cela n’est pas
possible sans la mémoire.
Mettre
en avant l’importance des références culturelles avec Marcel
le rêveur est un jeu
d’enfant. Proposer un panier contenant les œuvres de référence
et demander aux élèves de les associer aux illustrations de l’album
puis dans un deuxième temps, jouer au jeu des différences et des
analogies, image par image. On leur demandera bien sûr d’argumenter
à chaque fois leur choix en les amenant à des descriptions de plus
en plus précises. Outre un affichage-mémoire permettant de se
souvenir d’une ou deux mises en réseau – sur les vedettes de
cinéma ou la scène de l’atelier du
peintre par exemple–
toutes les images rencontrées doivent restées facilement
accessibles aux élèves tout au long de l’année mais en vrac…
un peu comme une vieille valise pleine de photos. Il est important de
faire disparaître le tri de manière à offrir aux élèves la
possibilité de réutiliser ces images dans un autre contexte et dans
un autre réseau.
Troisième
élément clef à construire :
la tête se nourrit de connaissances autre que visuelles. C’est
l’album Je mangerais bien une souris
qui nous apporte ici matière à illustration. Le
chat sait de quoi se compose une souris : « un museau
pointu, deux petites oreilles, un corps rondelet, quatre pattes, une
longue queue et des moustaches. » Il nous dit même comment il
le sait : il a cherché dans sa tête tout ce qu’on lui a dit
sur les souris, il se souvient. Notre chat ne se livre-t-il pas sous
nos yeux à la première activité intellectuelle que l’on attend
des élèves ? Ne met-il pas en image accessible à nos élèves
ce que l’on attend d’eux à longueur de temps ?1
Quatrième
élément clef à rappeler : il faut parfois multiplier les
essais avant d’arriver à un résultat. Là encore, utilisons Je
mangerais bien une souris !
Le chat multiplie les essais sans que cela ne lui pose
de difficulté de
recommencer tant que
le résultat ne lui convient pas.
C’est normal ! Bon
d’accord, avant de commencer on voit bien à sa tête qu’il n’a
pas forcément envie de se mettre au travail mais à la fin, il a un
grand sourire de réussite. La construction de cette posture d’élève
est un véritable patchwork de petits détails. La prise de
conscience des sentiments des différents personnages – avec le
sourire du chat ou celui de Marcel – doit être mise en avant de
manière quasi systématique pour permettre aux élèves une
identification possible aux personnages. Dans la plupart des cas, il
y a une fin heureuse et donc désirable.
Cinquième
élément clef à donner : notre imaginaire est un lieu ouvert
où les contraintes du réel sont moins pesantes. Marcel
peut voler ou Max peut partir dans un pays où les Maximonstres
existent. Je vous accorde que l’on entre ici dans un domaine
sensible et difficile à appréhender sous l’angle pédagogique.
Car l’école est le lieu où l’imagination n’est pas toujours
la bienvenue – dans l’orthographe des mots par exemple – mais
où elle est aussi nécessaire – dans la capacité à écrire un
court récit par exemple. Enrichissons leur imaginaire, apprenons
leur à le mobiliser et à le transformer en réalité de façon
ponctuelle mais pour se faire, accompagnons les, ne les dirigeons pas
vers une destination pré-programmée. Cet équilibre est un travail
de funambule pédagogique et peut amener l’enseignant sur des
chemins inconnus à lui aussi car il existe de bien nombreux
sentiers.
Avec
Le rêve d'Albert de Léo Lionni, on consolide encore l’importance du capital
culturel à travers la visite au musée mais surtout on peut évoquer
ce qui se passe dans la tête quand on essaye de transformer le rêve
en réalité. Ce que l’on a rêvé permet de voir le monde qui nous
entoure différemment et de le modifier.
Et
si on essayait de faire pareil ? Il s’agit de proposer des
ateliers dans différents domaines d’activité où l’on va
conduire les élèves de l’acquisition et de la capitalisation d’un
patrimoine culturel à la phase de création, en passant bien sur par
la phase d’intellectualisation. Cette dernière devra être
formalisée à travers l’usage de notre « bulle-panier »
dans ses différentes étapes. Dans
la droite ligne de l’album de Léo Lionni, le
domaine des arts visuels se prête fort bien au jeu mais je
n’entrerai pas ici dans les détails des
activités « à la manière de ».
Il existe de très nombreuses publications et sites internet qui
offrent des propositions où l’on peut mettre en parallèle la
démarche des « paniers-bulles »2et
le monde créatif d’un artiste clairement identifié.
1C’est ce qui est proposé dans Parcours Lecture aux éditions Accès. Il peut d’ailleurs être plus que judicieux de mener de front les deux propositions pédagogiques.
1Le principe des ateliers marque-pages est simple. L’élève doit replacer des photocopies d’illustrations, de détails, de texte à la bonne page du livre.
1Dans
une programmation croisée, c’est aussi le bon moment pour
travailler sur le nom des formes géométriques.
2J’utilise
par exemple les propositions de Patrick Straub dans Hors d’oeuvre
d’art chez Acces .
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